OVERTURE

Rencontre avec l’artiste Natacha Mercier dans son atelier à Bruxelles (Saint-Gilles, B.).

 

Mur de travail dans l’atelier de l’artiste.

Natacha Mercier vous invite à découvrir ou à redécouvrir son travail pictural à Saint-Gilles. À la différence des événements précédents comme « Parcours d’artistes » ou « Fab#1 », c’est dans son atelier cette fois que l’artiste accueillera le public sur rendez-vous.

Natacha Mercier crée des connexions entre le visible et l’invisible, elle invite le spectateur à porter un regard singulier sur une surface picturale de prime abord vide.

« Dans mon travail, j’aborde le champ de la perception de l’œuvre à travers le nocturne dans le pictural. Peindre la nuit est, paradoxalement peindre ce qui ne se voit pas. J’aime décrypter pourquoi l’obscurité invite à regarder et sentir autrement. ».

Natacha Mercier ouvre son espace de travail pour partager ses œuvres et des idées avec les visiteurs. Des pièces abouties ainsi que des créations in progress seront présentées. Ce moment sera propice aux échanges sur les différents aspects de sa démarche artistique autour de la nuit et des défis que pose son cheminement dans un monde saturé de lumières artificielles et de distractions contemporaines.

Réservation par mail, capacité d’accueil de 5 personnes maximum par plage d’une heure, de 13 à 19 h. Entrée libre et gratuite.

natachamercier1@gmail.com

 

Natacha Mercier : « à la limite du voir ».

Issue de l’École des Beaux-Arts de Valenciennes (F, 1995-1998) puis de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Bourges (F, 1998-2000), Natacha Mercier travaille à Bruxelles (Saint-Gilles).

Elue « Coup de Cœur du Parcours d’artistes » de l’année 2022 avec l’exposition « Lever le voile » au Feu Rouge, elle est représentée par la galerie Michèle Schoonjans à Bruxelles (Uccle).

Elle a participé en 2023 à l’exposition anniversaire « Comme de longs échos qui de loin se confondent » au Laac à Dunkerque (F) pour les 40 ans du musée. L’artiste a présenté une installation immersive pour faire voyager les visiteurs dans la nuit dans le cadre d’une variation d’une photographie de Jürgen Nefzger.

Une exposition personnelle de Natacha Mercier sera présentée à la Michèle Schoonjans gallery à Bruxelles fin 2024.

 

Natacha Mercier, « La nuit, sur le bord du canal de la Haute-Colme ». Acrylique sur toile, 139 x 179 cm – 2022. Coproduction le Laac, Dunkerque. Variation de « Pique-nique sur le bord du canal de la Haute-Colme », de Jürgen Nefzger (tirage photographique contrecollé sur aluminium, 69,5 x 89, 5 cm – 2007).

 

La peinture de Natacha Mercier oblige à prendre le temps. « Dans mes peintures et installations, on ne voit pas d’emblée ce dont il s’agit. Monochrome et sans contenu apparent, tout est dedans, tout est derrière le voile : dans la peinture et au-delà̀, à la « limite du voir ». À la recherche de l’idéal d’une surface vibrante, je présente un état compris entre les deux extrêmes de l’apparition ou de la disparition, de la lecture ou de la non lecture. Sans cesse en mutation, mes lignes sont tour à tour déniées, réaffirmées, redessinées par les mouvements constants des limites et des tensions. Je cherche à fixer l‘instant précis qui se situe à l’extrême lisière de l’évanescence, là où les formes persistent encore : « Que se passe-t-il après le crépuscule, juste avant la nuit ? ».

Dans notre ère ultra connectée et toujours plus rapide, la nuit est symbole de ressource et de rareté. En 1992, l’Unesco a même classé le ciel étoilé dans la liste du Patrimoine mondial de l’humanité. Lorsque l’on regarde un ciel étoilé, notre œil doit s’habituer, s’accoutumer, et plus on le regarde, plus on voit de détails. Pourtant quelque chose nous échappe toujours, ne se laisse pas expliquer clairement.  C’est ce qui se produit devant les œuvres de Natacha Mercier ; la surface à priori monochrome nous invite à ralentir, à nous accoutumer, pour pénétrer enfin dans la profondeur.

L’artiste examine depuis 2007 le potentiel de la gamme des noirs avec sa première toile de la série « The Queen’s pussy » : « J’aborde le champ de la perception et plus particulièrement de la « border line ». La notion de lisière m’a emmenée à peindre des forêts de nuit qui m’ont elles-mêmes dirigée à considérer autrement la lumière et l’espace. Les noirs permettent une plus grande flexibilité dans la révélation des subtilités des nuances colorées que les blancs. Les blancs se révèlent avec une grande clarté alors que les noirs commencent à exister à la tombée du jour», souligne l’artiste.

Devant ses peintures noires « presque monochromes », cette première impression de ne rien voir nous interroge, la surface apparaît au prime abord comme sans relief, sans matière, comme vide, lisse et floue. Des formes apparaissent peu à peu, se laissent deviner et viennent narguer l’œil. Et de cette peinture a priori monochrome, les détails surgissent peu à peu comme dans une déambulation de nuit, les formes se dégagent et nous nous trouvons projetés dans un paysage presque hyperréaliste.

A l’image de sa série de bouquets de plantes toxiques (« R.V.B. » 2019), Natacha Mercier cherche de nouveau à créer des tensions visuelles avec ses peintures clair-obscur en cours « Fireworks » : des arbres bioluminescents qui, à première vue, nous apparaissent comme des feux d’artifice. Il s’agit de créer des contrastes forts entre les noirs et les fluorescents « comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux » (« Le poison », Charles Baudelaire, 1857). Deux lectures sont possibles avec les dernières pièces en cours : à première vue, c’est un feu d’artifice mais en réalité, c’est un arbre qui reflète sa beauté dans la nuit.

 

Firework. Acrylique sur toile, 162 x 130 cm – 2023.

 

A propos du travail de Natacha Mercier

Textes d’auteurs, extraits :

 

  • Dans l’ombre, une infime clarté :

« Après avoir utilisé un large spectre de couleurs et en particulier le blanc pour lequel l’artiste a consacré un ensemble important de tableaux, Natacha Mercier déploie actuellement son dispositif dans le noir. L’obscurité, l’ombre, la noirceur offrent un nouveau champ d’exploration à l’artiste. Dans ses nouvelles œuvres, des visions nocturnes de forêt font surface. À l’inverse de ses tableaux blancs dans lesquels les formes et les figures se révèlent dans une certaine évanescence de la lumière, c’est ici de la profondeur de la nuit que surgissent les images. L’artiste a réussi à matérialiser ce rêve d’une vision de nuit presque animale, qui augure d’un autre monde invisible, mystérieux, celui de la forêt, du sauvage, de l’inconnu d’une scène que l’on ne peut appréhender à l’œil nu. À travers le noir, Natacha Mercier poursuit sa quête de rendre visible l’impalpable, un hors-scène. L’artiste ouvre le champ d’un au-delà du visible, d’un au-delà de la peinture même.

Le passage au noir dans la recherche de Natacha Mercier apparaît à bien des égards comme un changement de paradigme. Plutôt que la toile blanche, il s’agit ici de construire à partir du noir, induisant une certaine mise en scène et en spectacle de l’œuvre. L’utilisation du noir offre à Natacha Mercier une perspective aussi riche qu’avec le blanc. L’inversement des valeurs que provoque le noir ouvre largement le champ pour un important passage dans son travail. Au lieu de la pleine lumière que nécessite le blanc immaculé, les tableaux noirs demandent la pénombre et le minimum de lumière. Dans une interaction renouvelée entre la surface de l’œuvre et la lumière, naît comme un flottement de l’image, telle une apparition à la fois impalpable et physique. Comme nous l’avons déjà noté, l’artiste a toujours eu une attention particulière à la relation de l’œuvre au mur, à son installation dans l’espace et ses conditions lumineuses. L’artiste a expérimenté l’exposition de ses œuvres noires sur des murs peints en noir. Cet élément de mise en scène offre la possibilité à l’artiste de faire disparaître le mur dans la pénombre et de travailler finement la mise en lumière de l’œuvre en jouant sur la disparition des limites du cadre de la toile. Cette nouvelle série de réalisations nous invite à oublier l’environnement de l’œuvre pour plonger notre regard dans la peinture. Dans l’ombre, une clarté surgit doucement comme par transparence. Évoquant aussi bien la tradition picturale que des souvenirs personnels de balades en forêt, cette série poursuit admirablement une sorte d’exploration phénoménologique de l’apparition ou de l’apparaître des images. Les jeux des glacis et des entrelacs de plans induisent une relation toute particulière avec la lumière et les données spatiales et concrètes de l’espace réel. C’est dans cet entrelacement du temps et de l’espace et dans un chiasme de la surface et de la profondeur, que l’œuvre de Natacha Mercier s’offre à nous ».

Extrait du texte « Natacha Mercier Peinture, peinture ? » de Jérôme Carrié, Commissaire des expositions au Ciam, Université Toulouse Jean-Jaurès – 2021.

 

  • Natacha Mercier ou la poétique du voile :

« Natacha Mercier est une artiste subversive. Elle ne s’encombre pas de cette forme très ordinaire et trop répandue de subversion esthétique qui peut naître d’un désordre institué, d’une « tyrannie bienveillante » de la couleur ou d’une agitation cacophonique de provocations gratuites – autant d’artifices qui finalement, deviennent vite conventionnel. Son approche, bien plus efficace, réfléchie, se fonde sur la délicatesse des supports, la subtilité d’un jeu d’occultation/divulgation de l’image qui interroge le regard et la peinture elle-même ; elle repose en outre sur une solide culture picturale, car on ne peut questionner un sujet sans le connaître parfaitement. (…) ».


Thierry Savatier, historien de l’art. Extrait du texte « 
Natacha Mercier ou la poétique du voile », 2016.

 

  • De la contemplation au choc : 

« (…) Je me déplaçais pour voir mieux la petite chambre et les autres écrans, mais je n’y arrivais pas. Je n’étais pas à l’aise dans la petite pièce obscure, gênée à l’idée de me faire surprendre ici, dans ce noir, par une autre spectatrice ou un autre regardeur. Je pensais aussi, un peu embarrassée : l’homme à l’accueil de La Fabrique, à qui j’ai demandé si je pouvais photographier, savait ce que j’étais en train de faire ou de regarder. De vouloir voir sans le pouvoir. Dans le noir. (…) ».


Ana Samardzija Scrivener,
professeure de philosophie à l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse (F). Extrait du texte « De la contemplation au choc: la techno-érotisation dans les arts du début du XXe siècle », exposé à La Fabrique, Toulouse (F) 14 juin 2016.

 

Natacha Mercier, principales expositions :
« Point mort » au Centquatre, Paris (F)
« On n’attire pas les mouches avec du vinaigre ! », Mix’ Art Myrys, Toulouse (F)
« Parcours d’art Contemporain en Vallée du Lot », Magp, Saint-Cirq Lapopie (F)
« Vasistas ? », galerie Vitrine 65, Paris (F)
« Déjeuner dans l’herbe », Centre d’art de Lacoux (F)
« Une collection d’art contemporain », musée des Beaux-Arts de Carcassonne (F)
« Bienvenue », Musée L., Louvain-la Neuve (B)
« Teaser », galerie Michèle Schoonjans, Bruxelles (B)
« Comme de longs échos qui de loin se confondent », musée le Laac, Dunkerque (F)